L’église du Sacré-Cœur ne comportait pas de vitrail avant l’incendie du 19 juillet 2019, à l’exception d’un vitrail situé dans la chapelle, signé par l’artiste A. Bréchat en 1990 et réalisé dans l’atelier Chiara à Lausanne. Le vitrail représente le soleil et la lune.
Comment peut-on imaginer une église sans vitraux ?
Certes, les églises sans vitraux existent. Le Sacré-Cœur, ancien temple franc-maçon n’en comportait aucun en 1873 et, lors de la récupération des lieux par les catholiques, il n’y eut pas de projet visant à l’en pourvoir. La reconstruction a permis de réaliser ce projet « manquant ». Suite au terrible incendie de l’église du Sacré-Cœur en 2018, l’opportunité s’est présentée au cours de la rénovation, d’intégrer des vitraux dans l’église, qui renforceraient le caractère catholique du bâtiment. Une commission a ainsi été créée avec pour objectif de trouver l’artiste, la fabrique et des fonds pour les futurs vitraux.
L’artiste octogénaire franco-italien Jean-Paul Agosti fut ainsi nommé en charge du projet pour la création de 14 vitraux. L’atelier Simon-Marq, basé à Reims depuis 1640 et actif dans la conception et la réalisation de vitraux a également été identifié et sélectionné.
Jean-Paul Agosti, artiste des vitraux
Jean-Paul Agosti, né à Paris en 1948, est un artiste peintre, formé à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, fils du galeriste et photographe Paul Facchetti. De 1966 à 1980, il collabore aux activités d’éditions et d’expositions des Galeries Facchetti à Paris et à Zurich. Le milieu artistique et intellectuel qu’il est amené à fréquenter dans sa jeunesse est marqué par la présence de Max Ernst, Alberto Giacometti, Jean Dubuffet, Henri Michaux, Jacques Lacan ou encore Carlo Scarpa. En 1978, son ami le physicien-chimiste Alain Le Méhauté lui présente Benoît Mandelbrot. La découverte des théories «Fractales» modifie sa vision du monde dans le sens d’une rupture fondamentale avec le sérialisme euclidien au profit de l’élaboration d’une structure «arborescente» de son œuvre. Ses travaux (dessins, aquarelles, peintures) s’enrichissent de l’intérêt qu’il porte à l’architecture et à l’art des jardins. Il collabore à des réalisations monumentales (peintures in situ, vitraux monolithiques avec le procédé innovant sans plomb ni colle du maître-verrier Antoine Benoit). Il expose aujourd’hui dans diverses galeries parisiennes tel que la Galerie Guillaume mais aussi au château d’Auvers-sur-Oise tout comme dans le monde entier (Milwaukee Art Museum). Il a par également réalisé en 2012 les vitraux de la nef de la chapelle Saint-Joseph à Reims.
ATTIRER – INVITER – PARTAGER – RAYONNER – GLORIFIER
L’église du Sacré-Cœur ressemble, de l’extérieur, beaucoup plus à un temple grec qu’à une église. L’ajout de vitraux permet ainsi d’apporter, aussi depuis l’extérieur, un ancrage pastoral, un rayonnement vers la cité, une perception de ce qu’est le bâtiment : une église. D’autre part, cette création apporte lumière et beauté à l’intérieur ; cette beauté qui transcende, qui élève, qui unit et qui permet d’entrer en dialogue avec Dieu.
Objectif pastoral, objectif esthétique. Joindre le fond et la forme. Tel est le duo indissociable qui apporte une émotion artistique qui attire, invite et incite à la prière, au recueillement ou tout simplement à la contemplation. L’artiste Agosti s’est attaché à une combinaison du spirituel, de l’esthétique et du respect de l’esprit de rénovation.
« Le langage des symboles est un système ouvert. Sa richesse analogique permet de nombreuses interprétations en fonction de son utilisation dans chaque culture et dans chaque civilisation. Malgré ou grâce à cette richesse efficiente, il y a aussi le plus souvent des invariants, dans leur histoire et dans leur contexte, sur lesquels un consensus est possible quant à leur signification. Ce que je propose ici est une étude des symboles issue d’une vision personnelle sur mes vitraux dans l’église du Sacré Cœur de Genève.
L’étoile
A l’échelle globale, les vitraux Nord et Sud sont reliés entre eux par des lignes virtuelles formant une étoile. La même trame graphique de base est utilisée inversée dans chaque binôme. Cette forme donnée à l’ensemble des vitraux évoque la symétrie hélicoïdale (le vortex) d’une galaxie. Dans le point de conjonction de l’étoile, sa signification cosmique et transcendante correspond aussi à la position centrale et sacrée de l’autel.
L’Arbre
Les graphismes de tous les vitraux évoquent des canopées. Ils font référence au symbolisme de l’Arbre, comme en témoigne physiquement la présence d’un olivier dans le projet architectural. l’Arbre et sa canopée, du nadir au zénith, sont des symboles d’élévation spirituelle vers la lumière. Ces canopées sont aussi une représentation du dispositif du puits de lumière traversant tout le bâtiment dans sa partie centrale.
Les couleurs
Dans leur symbolisme, les couleurs sont distribuées et choisies, en premier lieu, en fonction de leur emplacement : couleurs chaudes dans les fenêtres au sud, couleurs froides dans les fenêtres au nord.
Au Sud un dégradé de rouge allant au vert pâle est associé à l’élément Feu symbolisé par un triangle rouge (pointe vers le haut) au bas et à gauche du vitrail de la baie VII. Au Nord, la dominante principale des couleurs va du bleu au vert avec des variantes violettes. Elles sont associées aux éléments Air de la baie IV (triangle pointe vers le haut, barre horizontale), à l’Eau de la baie VIII (triangle pointe en bas), à la Terre de la baie XII (triangle pointe en bas, barre horizontale).
Fenêtre V
Dans la fenêtre V se trouvent une étoile de David et une colombe avec son rameau d’olivier, allusion à l’arche de Noé de l’ancien testament.
Fenêtres IX et X
Les blasons de la fenêtre X sont les symboles du baptême, l’imposition des mains, la croix et le chrisme associés formant une étoile à huit branches dans un baptistère hexagonal (relation terre-ciel). On retrouve le même symbole comme accession à la pleine lumière dans la fenêtre IX, en regard direct au sud.
Fenêtre VI
Dans ce vitrail sont associés deux symboles: la marque des premiers chrétiens par le signe du poisson, ICHTUS en lettres grecques, acronyme de « Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur » et la croix des missions symbole de l’extension chrétienne.
Fenêtres VII et VIII
Les deux vitraux sont en relation directe. Côté sud, on observe un soleil comme symbole d’un centre entre Alpha et Omega et l’élément Feu. Un point-cercle avec une croix, en bas à droite, représente une terre en gravitation autour de son astre. En opposition côté nord, le vitrail de Sainte Marie avec son monogramme associé à la lune et à l’élément Eau. »
Extraits du texte de Jean-Paul Agosti, 2024
Plus vieil atelier de vitraux au monde : 1640
L’atelier Simon-Marq, plus vieil atelier de vitraux aux monde, créé en 1640, a livré les vitraux du Sacré-Coeur le mercredi 22 mai 2024 en provenance de Reims par transport spécial dans des caissons prévus sur mesure. Les vitraux sont très fins et par conséquent extrêmement fragiles.
La Ferronnerie BHF à Reims, a été mandatée pour réaliser les châssis en acier fin et les jointures en plomb des vitraux. Les châssis ont été revissés sur les fenêtres, cela permet le nettoyage des fenêtres et vitraux plus facilement.
Les six premiers vitraux ont été installés fin mai 2024 volontairement au centre de l’église afin de recréer une harmonie avant la pose des huit vitraux manquant dans l’église du Sacré-Cœur qui sont actuellement en cours de fabrication et seront livrés au plus tard en fin d’année 2024. Nous ne manquerons pas de communiquer à ce sujet, photos à l’appui.
SD&C juillet 2024