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CONFIRMATION A L’AGE ADULTE, QUELS ENJEUX ? 

Regards croisés: Témoignages de la responsable du service catéchuménat des adultes, Thérèse Habonimana, et de Jessica, 29 ans, en chemin vers la confirmation à l’âge adulte.

 

THÉRÈSE HABONIMANA, RESPONSABLE DU SERVICE CATÉCHUMÉNAT DES ADULTES à GENÈVE

Quel est le rôle du service du catéchuménat des adultes ?

C’est un service très important pour l’Église et les personnes qui demandent d’être initiées à la foi chrétienne, en vue de recevoir le baptême, la confirmation et l’eucharistie ou communion. Ces personnes ont déjà vécu l’expérience d’une rencontre avec le Christ. Elles cherchent un sens à leur vie, un équilibre qui leur permet d’avancer dans la vie, un éclairage sur la foi et ses contenus.

Elles ont besoin que l’église les aide à construire leur identité chrétienne. C’est un service ouvert et gratuit. Au fil des parcours et des rencontres autour de la parole de Dieu, des liens se tissent. Il permet à l’Église de se renouveler, en transmettant ce qui la fait vivre : annoncer la Bonne Nouvelle du Christ.  Le service du catéchuménat prend part à cette mission que l’Église a reçue du Christ : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28, 19).

Quelle est la source de votre vocation ?

Je suis née et j’ai grandie dans une famille chrétienne très pratiquante qui m’a transmis cet amour, à ne pas garder pour moi toute seule ! J’ai suivi toute ma formation dans des écoles chrétiennes. Mais il a fallu grandir aussi et me laisser guider pour comprendre quelle est ma mission, ma vraie orientation pour la vie. J’étais très aimée et appréciée de tous, dans ma famille, mon village et à l’école, au Burundi. Je pensais que j’avais de la chance et je n’associais pas cela à la bienveillance de Dieu. Un jour, une religieuse, amie de la famille m’a demandé : Qu’est-ce que tu vas devenir ? Tu as déjà choisi ta vocation ? Je lui ai demandé où elle voulait en venir. Elle m’a bien expliqué que tout être humain doit trouver un sens à sa vie et choisir une orientation pour réaliser sa mission sur terre. Je lui ai répondu rapidement que je voulais servir l’Eglise en tant que laïque. Mais je ne savais pas du tout comment on y arrivait !
Après l’école secondaire, j’ai choisi 3 orientations : Être médecin ou infirmière, enseignante ou travailler dans l’administration publique. Mon père m’a aidé à faire mon choix. En accord avec les religieuses responsables de l’établissement où j’étudiais, il m’a accompagnée pour visiter une nouvelle école que je ne connaissais pas du tout ! C’était l’Institut « Reine des Apôtres », pour la formation des catéchistes (agentes pastorales), seulement les filles ! Car il y avait un autre institut pour les garçons. En même temps, il y avait une école pédagogique. J’ai suivi les deux parcours. C’est comme ça que je suis devenue enseignante et catéchiste au Burundi.
J’aimais ce que j’apprenais, je réussissais bien mes études, mes stages pédagogiques et pastoraux, et on appréciait beaucoup mon travail. Alors on m’a offert des opportunités qui m’ont permis de travailler dans le même institut et plus tard au bureau d’évangélisation, un des départements de la conférence épiscopale au Burundi et membre de la commission chargée de la traduction biblique, de la langue française à notre langue nationale, jusqu’à ce que je vienne en Suisse. 

En tant qu’être humain, femme, mère et grand-mère, baptisée, croyante et chrétienne, c’est pour moi un honneur, un bonheur de vivre ma foi et de pouvoir accompagner les autres sur ce chemin de vie, de foi et d’amour en Dieu. Cela me donne la paix, la joie, la sérénité… Je me sens là où je dois être. Je me sens moi-même. Car je ressens et reconnais la présence de Dieu qui me guide, me porte et veille sur moi depuis que j’ai appris à dire son nom. Il me donne l’élan d’aller dire aux autres ce que j’ai reçu comme un don et ce que j’ai appris. Ça illumine ma vie !

Parlez-nous de ce bonheur.

J’ai le bonheur de rencontrer et d’entendre les témoignages de ces hommes et ces femmes qui viennent.  Ils parlent de ce qu’ils ont ressenti dans leur cœur et qui change leur existence, de l’importance que cela a dans leur vie. Ils veulent savoir ce qui leur est arrivé, avec une grande envie d’aller plus loin, s’initier à la foi chrétienne, célébrer cette relation d’amour en Dieu par le baptême, la confirmation et l’eucharistie. Ils évoquent le chemin parcouru, la longue attente, le bonheur d’y arriver, de poser son sac, de respirer, de rencontrer Dieu. C’est très émouvant ! Nous pouvons dire que c’est une expérience qui touche le cœur et l’âme. C’est une étape importante pour se ressourcer, mieux comprendre notre vie, mieux comprendre ce qui nous arrive.

Dans ce cheminement, le but est de vivre en être humain accompli, selon ce qui vibre dans notre cœur. Trouver un chemin de vie, ça rend heureux ! Quand on ressent la présence de Dieu dans notre vie, on ne se sent plus seul. Nous croyons qu’Il veille sur nous et Il nous fait rencontrer d’autres frères et sœurs qui cherchent et vivent la même chose. Cela crée des liens. Ces expériences nous aident à aller de l’avant.

La société a besoin de personnes qui incarnent ces valeurs, qu’il nous faut vivre et faire rayonner autour de nous, construire sa vie et prendre part à la construction de l’humanité…

Comment vous êtes-vous adaptée pour poursuivre l’accompagnement durant cette période de confinement ?

Pendant cette période particulière, très vite j’ai ressenti qu’il  était très important de ne pas abandonner les personnes et de trouver les moyens de rester en lien. C’était même une urgence ! Les personnes ont besoin d’être nourries à la parole de Dieu continuellement, de savoir que nous sommes là, avec elles, plus que jamais.  Il est important de prendre des nouvelles, puis de transmettre ce qu’on peut communiquer. J’ai choisi d’adresser des messages par envois groupés, tout en restant à l’écoute et en répondant aux questions de chacun.  Mais aussi pour que chacun et chacune se sente reconnu dans son parcours et d’accompagner les personnes aussi par téléphone. Ce n’est pas facile, mais c’est faisable. Nous avons également partagé un message de l’évêque.

Moi-même j’étais heureuse de recevoir par divers canaux des messages pour partager l’évangile, la Parole ou de lien vers des vidéos. On peut dire que c’est virtuel, mais j’ai apprécié que des personnes prennent le temps de réaliser ces propositions et nous les partagent, afin de nous permettre d’entendre la Parole de Dieu et à l’approfondir. Finalement l’être humain s’adapte. Il y a une présence à vivre autrement et à valoriser, des relations à renforcer, ne pas éteindre la flamme. Car la vie continue malgré les circonstances.

Comment vivez-vous ce report des célébrations des confirmations et des baptêmes des catéchumènes ?

C’est une situation difficile, mais nous devons comprendre que c’est la vie qui prime. Prendre soin de soi et des autres, c’est répondre à notre vocation humaine selon le livre de la Genèse : « Dieu confie la terre à l’être humain pour qu’il en prenne soin… ».  (Genèse 1, 28). C’est soigner la vie, la création que nous sommes…  c’est un devoir important. Il nous faut valoriser ce temps particulier, ne pas nous enfermer intérieurement, ouvrons-nous autrement !

La célébration des confirmations des adultes aura-t- elle une autre saveur cette année ?

Chaque année,  nous étions heureux de vivre ces célébrations. Mais là, ce sera une nouvelle résurrection ! Ce que nous vivons est une expérience nouvelle pour renforcer la confiance que Dieu est là. Quand nous pourrons être tous réunis à nouveau, de nous regarder dans les yeux, d’élever nos voix ensemble pour prier notre Dieu, la joie sera plus  grande encore. Il y aura aussi un grand « ouf de soulagement », sans oublier les épreuves, les deuils et les souffrances. Je suis moi-même dans cette espérance, vivement que l’on puisse avoir la liberté de sortir et de nous rencontrer, embrasser mes enfants et mes petits-enfants, mes amis /amies aussi !

 

JESSICA, 29 ANS, CONFIRMANT ADULTE

Quel parcours vous a conduit vers la confirmation à l’âge adulte ?

C’est un long chemin, un peu solitaire au départ. J’ai reçu le baptême à l’âge d’un an et demi, mais par la suite je n’ai pas eu d’éducation religieuse à proprement parler. Ma grand-mère, qui a la foi et est pratiquante, est un réel modèle dans ma vie. Alors que j’avais 12 ans elle m’a fait découvrir le livre : « Ta parole est un trésor ». Je ne le lis pas, je le dévore, je me souviens de chaque détail, illustration, j’apprends sans le savoir les prières. À 13 ans, je demande à ma mère si je peux faire ma première communion. Elle est surprise. Mais avec ma famille nous voyagions beaucoup et nous ne fréquentions pas de paroisse. L’idée tombe donc à l’eau.

Je continue à lire ces belles histoires que je trouve justes. J’aime le fait quand ça parle d’amour et de valeurs que je sens très fort en moi : la lutte contre l’injustice, l’aide aux plus pauvres.  Je deviens art-thérapeute et je décide de dédier ma vie à aider les autres, personnes malades, autistes, migrantes. Je me sens alignée et juste dans ce métier.

Je chemine dans ma foi avec des épreuves aussi dans ma vie qui me conduisent parfois dans une église, seule. Je parle à Marie en premier, ne sachant pas trop comment faire, mais la trouvant très belle et rassurante. Je ne comprenais pas bien le lien entre Jésus et Dieu, mais je trouvais Jésus magnifique et je croyais qu’il avait vécu et avait fait évoluer les humains. J’en étais persuadée. Personne ne m’avait expliqué qu’il était Fils de Dieu, ce que c’est l’Esprit saint et bien d’autres choses. Maintenant, grâce au service de catéchuménat, j’ai des réponses à mes questions et je comprends mieux la bible.  

Qu’est-ce qui vous conduit à frapper à la porte du service de Catéchuménat ?

Je vais à une messe seule vers mes 25 ans, mais je me sens très gênée, ne connaissant pas mon credo, ni quand il faut se lever ou s’assoir, ne pouvant pas communier. Je n’y retourne pas.

Pour autant, je continue à aller à l’église seule, hors des célébrations, pour « parler », je remercie pour ma vie, je mets une bougie pour ma famille et ma grand-mère, je dessine aussi, j’écoute même de la musique qui me détend, ça m’aide à visualiser ce que je veux pour le monde, en me cachant parce que je ne sais pas si on a le droit de mettre des écouteurs dans une église… Je passe des heures dans l’église, je me sens vraiment bien dans cet endroit. Les personnes qui m’accompagnent aujourd’hui m’ont appris que toutes ces démarches étaient en fait une manière de prier.

Puis je trouve un poste à l’Église catholique ! C’est fou. Aujourd’hui, je travaille pour l’Église à Genève, moi qui étais en recherche d’en trouver une… On me demande parfois si j’ai la foi. Je parle alors de mon parcours, je dis que j’ai la foi en l’amour et en l’humain, est-ce que c’est cela la foi ? Et là je découvre… tout : les prêtres, le sens des messes, les paroissiens, la communauté. Et je m’y sens bien. Je fais ma communion avec un prêtre qui m’accueille comme je suis, elle se passe d’une manière absolument exceptionnelle, et je vis ma première communion et reçois le Corps du christ dans une messe des jeunes, entourée de jeunes magnifiques qui m’accueillent et qui me réconcilient avec ces rituels de messe que je ne connaissais pas.

Je décide de faire ma confirmation, je vois qu’un service ouvert et gratuit est proposé. Je rencontre Thérèse Habonimana et Michel Jeanneret d’une manière tout à fait naturelle. Je suis émue et touchée par leur bienveillance. Ils m’accueillent dans le groupe adulte puis je les rencontre dans des séances d’échange en privé que j’ai demandé pour approfondir ma foi. C’est incroyable, Michel me parle de la bible avec des détails, des notions historiques, c’est très vivant nos rencontres. On rigole aussi beaucoup. Ils utilisent des exemples concrets de la vie quotidienne et ça me montre que la bible rejoint la réalité, qu’elle n’est pas décalée.

Thérèse me fait sortir le meilleur de moi-même avec douceur. Elle m’invite à parler à ma famille et à les inviter à ma confirmation, car c’est la première démarche pour être témoin et messager de la foi. Je voulais faire ma confirmation, au départ, seule avec ma grand-mère. Et là, pour moi, toute ma vie change, depuis ce choix de confirmation, des éléments très profonds surviennent dans ma vie et c’est réel, tangible, l’Esprit-Saint. Ma famille accueille mon choix et la nouvelle et ça leur soulève des questions magnifiques. Je partage beaucoup avec Mgr Morerod qui va me confirmer, je découvre au-delà de l’évêque un homme plein d’humour, très sensible et intelligent.

Qu’est-ce que le confinement a produit dans votre parcours de confirmation ?

Je pense simplement que rien n’est négatif, toute épreuve dans ma vie en tout cas m’a permis de me rapprocher de ma foi, de qui je suis plus profondément. Thérèse est de toute manière si positive, que je suis accompagnée au mieux. À Pâques, je réalise que cela me permet de comprendre mieux cette fête, qui ne se résume pas aux chocolats cachés dans le jardin. Je prends des temps de silence et de prière. Je regarde le film de Mel Gibson « La passion du Christ », je regarde toutes les messes du pape, je découvre le Saint-Suaire, je parle à ma future marraine Juliette qui me prépare à cette confirmation.

Thérèse m’envoie des mails qu’elle écrit, des messages de l’évêque, avec des prières, elle nous donne la possibilité d’échanger avec elle sur des questions pendant Pâques.

Quel a été l’apport du service de catéchuménat durant cette période ?

Pendant ce confinement, j’ai pu être nourrie par la Parole, cela m’a permis de comprendre et de croire à la Résurrection et d’en sentir l’importance. On vit des résurrections tous les jours et c’est très réel. J’aime ce concret dans ma foi et cette incarnation, j’oserais même dire que le COViD-19 tombe providentiellement comme un chemin évident pour ma confirmation. Je prie en remerciant de plus en plus, pour ma famille qui n’a pas été touchée, tout me semble une grâce, la nature qui s’éveille, la possibilité de redécouvrir mes collègues de travail, un nouvel appartement et surtout la promesse d’une confirmation que je prépare. Je veux témoigner et tenter de rayonner ma foi dans le monde et porter les valeurs du Christ. Je suis heureuse de cette attente, cela renforce ma décision de confirmation. J’espère que la célébration aura lieu après le confinement pour que l’on puisse être entouré de tous. Maintenant toute ma famille veut venir m’accompagner dans ma démarche de foi !

SD&C, mai 2020

Crédit image: confirmation à l’âge adulte – DR

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