JOUNÉE PATRIMOINE RELIGIEUX : 4 CHEFS D’ŒUVRE DE L’ART SACRÉ À GENÈVE  

ART SACRÉ À GENÈVE – L’art religieux est un puissant outil de communication. Différentes formes d’art, de l’architecture à la sculpture en passant par la peinture et le vitrail, ont été mises en œuvre pour enrichir et décorer les bâtiments ecclésiastiques. Par leur beauté, ces œuvres et décors religieux peuvent participer au sentiment religieux et à l’élévation de l’âme des individus. 

A l’occasion de la Journée du patrimoine religieux, ce vendredi 1er septembre, nous vous présentons une petite sélection d’œuvres d’art, parfois méconnues, qui embellissent les églises de notre canton. Elles portent la signature de quatre artistes de renom : Maurice Denis (1870 -1943), Alexandre Cingria (1879– 1945), Paul Monnier (1907-1982) et Alice Basset (1910-2003). 

Un grand élan de l’art sacré à Genève

Notre région a connu un élan artistique au cours de l’entre-deux-guerres. « En cette période il y avait une forte émulation être les artistes. On observe une explosion créative en rupture avec la période précédente marquée par une certaine méfiance de l’Eglise par rapport aux artistes. C’est le premier grand élan de l’art sacré dans la région, dans la mouvance du groupe Saint-Luc » explique Amandine Beffa, assistante pastorale de l’ECR et ancienne guide d’art sacré à Notre-Dame de Paris et à Notre-Dame-de-Toute-Grâce sur le plateau d’Assy. Fondé par Alexandre Cingria, le groupe Saint-Luc est composé d’artistes chrétiens engagés dans un renouveau de l’art sacré associant tradition médiévale et modernité. 

Elle est aujourd’hui notre guide pour cette balade autour de quatre œuvres de l’art sacré à Genève ! 

MAURICE DENIS – GRANDE TOILE DE L’ÉGLISE DE SAINT-PAUL (COLOGNY) 

Maurice Denis – grande toile de l’église de Saint- Paul

Peintre français également décorateur, graveur, théoricien et historien de l’art, Maurice Denis naît en 1870 à Granville (France) et mort en 1943 à Paris. Il fonde, avec ses camarades de jeunesse, le groupe des Nabis (appelés par l’esprit en hébreu) à la fin des années 1880. Outre une vaste production artistique on lui doit une phrase restée célèbre comme la profession de foi de l’esthétique nabie, « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. » (Maurice Denis in Art et Critique, 1890) 

1916 

Profondément croyant, Maurice Denis a notamment a réalisé en 1916 la grande toile marouflée de l’abside de l’    à Grange-Canal (Cologny), bâtiment édifié en 1913-1915 par Adolphe Guyonnet, mandaté par le jeune abbé Francis Jacquet, qui est à l’origine de la paroisse. 

Vie et actes de saint Paul 

L’immense toile, caractérisée par des formes simples et des couleurs pures, représente la vie et les actes de saint Paul, patron de l’église, avec trois moments clés : au centre saint Paul est représenté alors qu’il enseigne sur une barque, sur la gauche, Maurice Denis a peint la scène de la conversion du saint et à droite son martyre. Au sommet de la composition, le Christ accueille saint Paul au paradis. 

Pour l’église de Granges-Canal, le peintre a de plus préparé les cartons pour les vitraux éclairant le haut de la nef centrale, consacrés aux saints et saintes de la région, ainsi que pour le vitrail dans la série des fenêtres des bas-côtés et la mosaïque du baptistère. 

Maurice Denis, qui a exercé une forte influence sur les artistes religieux de Suisse romande, est aussi l’auteur d’autres décors d’autres bâtiments religieux à Genève. Il a notamment signé les cartons des vitraux pour l’église Notre-Dame de Genève (Quatre Évangélistes). 

ALEXANDRE CINGRIA- VITRAUX CHAPELLE SAINT-JEAN BAPTISTE (PERLY) 

Art sacré à Genève: Cingria- Vitraux Chapelle Saint-Jean Baptiste (Perly)

Alexandre Cingria, peintre, écrivain, peintre-verrier naît en 1879 à Genève et mort en 1945 à Lausanne. Il fréquente l’école des beaux-arts de Genève de 1898 à 1900, mais se forme surtout en autodidacte au cours de ses voyages à l’étranger, notamment à Munich et à Paris. Fondateur du groupe de Saint-Luc et de Saint-Maurice, il est considéré un pionnier du renouveau de l’art sacré catholique en Suisse romande, où il a composé plus de 200 vitraux pour une trentaine d’églises. Parmi ceux -ci, les vitraux de la chapelle Saint-Jean-Baptiste de Perly. Très critiqués à leur création, les vitraux d’Alexandre Cingria ont dû leur entrée dans la chapelle de Perly à une intervention de l’évêque de l’époque, Mgr Besson, explique Amandine Beffa. 

Le vitrail « Notre Dame de Ré » 

Le vitrail « Notre Dame de Ré » est inspiré d’une image miraculeuse de la vierge allaitant Jésus. Selon la légende, la Vierge a saigné lorsqu’un habitant de la commune de Ré (Valle Vigezzo), en 1494, a jeté un caillou contre cette image après avoir perdu au jeu.  

Ce vitrail a été exposé dans le pavillon suisse en 1925 à l’exposition internationale des arts décoratifs de Paris.  

Le vitrail du « Sacré-Cœur » 

Le thème du second vitrail est le Sacré-Cœur. Le Christ présente son cœur à la fois rayonnant et saignant. Traditionnellement, le cœur ne se résume pas au symbole de l’amour. Il représente le tout de la personnalité. Le Christ offrant son cœur offre en réalité tout son Être.  

« Les deux vitraux de Cingria présentent ce Dieu qui nous rejoint dans l’intime de notre humanité pour nous donner la vie. Une vie qui certes n’échappe pas à la souffrance, les vitraux ne la dissimulent pas, mais qui rayonne de quelque chose en plus », souligne Amandine Beffa. 

PAUL MONNIER -FRESQUE ÉGLISE SAINT-CHARLES-BORROMÉE (AVUSY) 

Paul Monnier naît à Montana-Vermala (Suisse) en 1907. Il fréquente de nombreuses écoles du Valais, puis, en 1924, sur les conseils du peintre Ludwig Werlen, sa mère le retire du collège et l’inscrit à l’Ecole des Beaux-Arts de Genève. Il est membre de l’École des Pâquis.. Entre 1932 et 1936 il réside à Genève ; puis de 1936 à 1949 à Sierre. De 1949 à 1970 à Lausanne et enfin, de 1970 à Genève, jusqu’à sa mort en 1982.  Il a travaillé avec Alexandre Cingria et Gino Severini. On recense plus de 60 œuvres en Suisse, de l’Abbaye de Saint-Maurice à la basilique Notre-Dame de Genève. Parmi celles-ci, la peinture monumentale de l’église Saint-Charles-Borromée d’ Avusy.  

Une surface de 100 m2 

Paul Monier – Église Saint-Charles-Borromée (Avusy)

L’œuvre est l’une des premières réalisations de l’artiste avec le Groupe Saint-Luc. Elle couvre une surface de plus de 100 m².  Bien que Saint Charles-Borromée, saint patron de l’église d’Avusy, soit surtout connu comme artisan de la Contre-Réforme catholique, Paul Monnier a choisi de représenter un autre épisode de la vie de l’archevêque de Milan : l’épidémie de peste qui a touché la ville en 1576. 

Deux parties 

L’œuvre est divisée en deux parties. A l’arrière-plan du premier registre, il est possible de reconnaître la cathédrale de Milan. Devant, est dressé un autel. L’archevêque distribue la Sainte-Communion. Une foule de personnes en grande souffrance l’entoure. En effet, si le saint a aidé les autorités civiles à mettre en place des mesures de protection pour éviter que la maladie ne se propage, il s’est aussi engagé pour ne laisser personne dans une détresse spirituelle. 

Entouré d’anges 

Au second registre, Charles Borromée est conduit au Ciel au terme de sa vie terrestre. Sur les côtés, des anges portent son chapeau de cardinal (à gauche) et une couronne (à droite). Selon certaines interprétations, la couronne est une allégorie de la charité.  

Cette œuvre qui nous parle, plus largement, de tous ces prêtres qui donnent leur vie au service des plus petits, écrit Amandine Beffa. 

ALICE BASSET – ÉGLISE DU CHRIST-ROI, PETIT-LANCY (GENÈVE) 

Alice Basset est née à Bâle en 1910 et décèdé à Genève en 2003. Artiste chrétienne, elle est peintre, brodeuse, illustratrice, accessoiriste de théâtre et l’auteur de remarquables vitraux.  Elle a étudié à l’Ecole des arts industriels de Genève et notamment dans la classe d’Alexandre Cingria. Elle est surtout connue pour la tapisserie de Saint-Victor que l’on peut admirer en l’église Saint-Joseph de Genève. Une autre remarquable tapisserie de d’Alice Basset est le retable brodé qui décore l’église du Christ-Roi (Petit-Lancy). Consacrée le 31 octobre 1954, jour de la fête du Christ Roi, l’église est la dernière réalisation du Groupe de Saint-Luc.  

Trois scènes 

Alice Basset – Eglise du Christ-Roi (Genève)

Composée de trois scènes, la tapisserie d’Alice Basset nous parle de la royauté, de l’ouverture aux nations et de la manifestation de Dieu.  

Sur la partie droite du triptyque, on observe l’Adoration des mages ; sur la partie gauche, la Pentecôte et au centre, l’Agneau mystique entouré des prophètes de l’Ancien Testament et des Pères de l’Eglise. 

L’Adoration des mages est appelée épiphanie, ce qui signifie manifestation. C’est en effet la manifestation de Dieu aux peuples non juifs, les mages venant de pays lointains, explique Amandine Beffa. 

A la Pentecôte, les Apôtres reçoivent l’Esprit pour témoigner de la Résurrection jusqu’aux extrémités de la terre. 

Le panneau central annonce le retour du Christ dans la gloire. « La tradition a fait des mages des rois. Mais aussi riches que soient leurs atours, ce ne sont pas eux qui sont dans la lumière. Alice Basset joue avec les tons, mettant l’accent sur le visage de la Vierge et sur l’Enfant. Le seul vrai roi, celui auquel cette église est d’ailleurs consacrée, c’est le Christ », commente notre guide. 

Bonne journée du patrimoine religieux ! 

août 2023,SD&C, avec « L’Essentiel ». 

Images article art sacré à Genève : Jean-Claude Gadmer 

Image en Une : C’est un détail du vitrail de la scènes de la vie de saint Paul de  Denis Maurice (1920) – Eglise Saint-Paul, Cologny (Grange-Canal) – ©VitroSearch