Regards sur la Beauté – La Beauté de l’Amour (4/5)
Dans le cadre du festival IL EST UNE FOI , proposé par l’Église catholique romaine – Genève, Geoffroy de Clavière, délégué général du festival et instigateur de ces rendez-vous, a été invité par la RTS pour l’émission Hautes fréquences de Gabrielle Desarzens, à écrire une série de chroniques radiophoniques sur le thème de la Beauté.
Cette quatrième chronique de Geoffroy de Clavière, issue du cycle Regards sur la Beauté interroge ce lien mystérieux et indissociable entre Beauté et Amour. À travers les grandes figures de la littérature, du cinéma et de la spiritualité, elle explore une quête universelle : celle d’un Amour qui transcende les apparences et ouvre à la verticalité du cœur.
Chronique 4: La Beauté de l’Amour
Beauté. J’ai envie de dire la Beauté avec un grand « B », comme l’Amour et son grand « A ». Cette majuscule confère une sorte de dignité, défini son caractère à la fois unique et mystérieux, mystérieux car souvent subjectif et je ne pense pas que la Beauté soit affaire de goût, de point de vue. Non, Il y a le beau. Un point c’est tout. Le Beau qui s’oppose au mal. La Beauté, comme l’Amour a le don de créer en nous les ressentis les plus forts et les plus immédiats, des ressentis aussi bien charnels qu’émotionnels. Les poètes ont tant scandé son nom, tenté de déchiffrer ses mystères, de Paris qui enlève Hélène et provoque la chute de Troie chez Homère, à Tristan et Iseult ainsi que leurs frères et sœurs plus tardifs, Roméo et Juliette qui succombent à l’élixir de l’amour qui les mène droit vers la mort, comme pour sceller leur union dans la perfection de leur rencontre instantanée, évitant ainsi la corruption du temps qui défait les liens, les fulgurances de la pureté qui peinent à résister à la routine, au quotidien. Oui, les grands Amours finissent mal car c’est ainsi que l’essence même du sentiment est préservé. Denis de Rougemont développe magnifiquement ce thème de l’amour passion dans « L’Amour et l’Occident ». Léo McCarey s’approprie parfaitement le sujet de cette passion brûlante, aveuglante dans Elle et lui, tourné en 1957. Tout débute par une banale rencontre, sur un paquebot entre un play-boy interprété par Cary Grant et une chanteuse jouée par la très britannique Deborah Kerr. Ils sont chacun engagés de leur côté mais l’Amour les saisit, les enlace et, implacable, tisse sa toile. Ce film est peut-être le plus beau mélodrame du monde. Amour filial, Amour maternel… quelles que soient les formes qu’on lui prête, cette expression peut être ultime de la Beauté constitue une quête permanente qui trace nos destins. Dans un monde qui appelle à la fraternité entre les individus et crée ainsi une horizontalité nécessaire, indispensable afin de nous lier plutôt que de nous séparer, l’Amour, comme la Beauté, crée une transcendance, une verticalité de l’ordre du spirituel. Sans cette verticalité, telle une flèche de cathédrale qui monte vers le divin, la fraternité horizontale demeure sans âme, sans destin. Pendant de nombreux siècles, la Beauté a été principalement associée au Divin. Mais Nietzsche nous affranchit de ces anciennes conceptions lorsqu’il avance que la Beauté provient autant des forces lumineuses d’Apollon que celles plus obscures de Dionysos. En effet, la Beauté de l’Amour est issue d’un étrange mélange de rêve et d’ivresse, de vertu et de débauche. Mais tout cela est indéfinissable, insaisissable ; personne ne peut décrire la Beauté, ni l’Amour. La Beauté se cache-t-elle dans les apparences ? L’Amour n’est-il qu’un sentiment inconditionnel qui dévore de l’intérieur ?
L’important est de poser la question et sans doute pas d’obtenir une réponse.
SD&C