Dans le cadre du festival IL EST UNE FOI , proposé par l’Église catholique romaine – Genève, Geoffroy de Clavière, délégué général du festival et instigateur de ces rendez-vous, a été invité par la RTS pour l’émission Hautes fréquences de Gabrielle Desarzens, à écrire une série de chroniques radiophoniques sur le thème de la Beauté.
Dans ce deuxième volet, Geoffroy de Clavière nous plonge au cœur d’une Beauté silencieuse mais puissante : celle qui émane de l’âme. Une invitation à la méditation intérieure, inspirée par le courage de figures comme Franz Jägerstätter ou par la profondeur du cinéma de Terence Malik et David Lynch.
Que dire du mystère de la Beauté intérieure ? Perfect Days transcrit parfaitement cette dimension spirituelle qui nous échappe tant aujourd’hui. Dans un monde obsédé par l’apparence et le Moi dominateur et narcissique, le secret se trouve sans aucun doute dans cette expérience d’introspection qui permet de partir méditer à la découverte du sens profond de la Beauté, chemin de la vraie vie. Il ne s’agit pas d’un repli sur soi mais, au contraire, d’affirmer sa présence ; cette notion si fondamentale.
« De présence à présence et entre les présences, lorsqu’elle se révèle, se manifeste la vérité de la Beauté, se produit alors tout un phénomène de perception, de ressenti, d’attirance, d’exaltation et d’adhésion, » écrit François Cheng à ce propos. C’est le souffle de l’infini qui circule à l’intérieur de soi et l’on atteint une sorte de plénitude. On est relié à soi et à la présence du reste du monde. Cela confère une force intérieure inégalable et qu’aucune injonction, aucune arme, aucun emprisonnement ne peut combattre, tordre ou soumettre.
Cette Beauté intérieure, si puissante, est celle que rencontre Franz Jägerstätter, cet objecteur de conscience catholique autrichien, reconnu comme martyr et béatifié en 2007 par le pape Benoît XVI. Dans les années 30, le jeune paysan de montagne Franz épouse Fani, une jeune femme de son village, et connaît auprès d’elle un amour serein, bercé par la Beauté d’une nature authentique et l’activité simple mais si nourrissante liée à la terre. Ensemble, ils ont trois filles, mais leur Eden alpestre ne saurait échapper à la montée du nazisme qui envenime les relations entre voisins et amis de ce village, bientôt plus du tout charmant.
En 1943, fidèle à ses valeurs, Franz refuse la mobilisation générale nazie. Emprisonné, torturé et jugé pour la forme, il sera reconnu coupable de trahison et exécuté. Mais il restera un homme libre, porté par sa foi inébranlable et ne reniera jamais ses valeurs, quitte à donner sa vie pour en défendre les principes. En ces temps de montée de l’extrême droite, à laquelle le destin de Franz Jägerstätter ne peut que faire écho, Terence Malik, en s’appropriant ce thème, fait une large place à la Beauté du monde dans Une Vie cachée et réalise un film qui paraît s’adresser directement à notre conscience.
On retrouve cette Beauté intérieure dans Elephant Man, de David Lynch. Il y a là un contraste d’une telle violence entre le « vu » de l’extérieur et l’innocence intérieure du personnage interprété avec maestria par John Hurt. Car, en effet, ce n’est pas la laideur du personnage qui est violente mais bien la cruauté de ceux et celles qui l’entourent. Ce film, multirécompensé, permet de prendre conscience de la noirceur de l’âme humaine mais également de sa splendeur, car sa beauté se révèle sous le masque de la laideur.
SD&C