
Premières « Assises de la jeunesse » à Lausanne: des pépites, des rêves et des projets
Quelques 160 personnes, parmi lesquelles au moins 80 jeunes (dont aussi des Genevois), une quarantaine d’agents pastoraux, une douzaine de prêtres, autant de religieux et religieuses ainsi que quatre séminaristes ont participé aux premières Assises de la jeunesse en Suisse romande, le 22 novembre dernier dans la grande salle de la paroisse Saint-Joseph de Lausanne. La journée inédite a débouché sur une dizaine de projets concrets que les jeunes ont à charge de développer.
Par Bernard Hallet de cath.ch /réd
L’événement a été ouvert par Isabelle Vernet , «avec une immense fierté et joie». S’en est suivi un tonnerre d’applaudissements. Ravie, la responsable de la pastorale des 15-25 ans dans le canton de Vaud a dit espérer voir émerger des pépites, des rêves et des projets.
Mise en œuvre de projets

Isabelle Jonveaux | © B. Hallet
Il était bien question de projets concrets que les participants devaient emporter au terme de cette journée. Car pour Philippe Becquart, co-animateur de cette journée, « il s’agissait de la dernière étape méthodologique d’une démarche synodale concernant les jeunes à mettre en œuvre ». « Ce n’est pas pour parler du synode que nous sommes rassemblés aujourd’hui, mais pour mettre en œuvre le type d’expérience qu’il suppose », a encore souligné Philippe Becquart, qui dès le 1er décembre 2025 rejoindra l’équipe de direction en tant qu’adjoint de la représentante de l’évêque pour la région diocésaine de Fribourg francophone.
Enquête sur la foi des jeunes
Isabelle Jonveaux, qui enseigne à la Faculté de Théologie de l’Université de Fribourg, a lancé la journée en donnant une synthèse de l’enquête sur la foi et les jeunes* qu’elle a menée l’hiver dernier pour l’Institut suisse de sociologie pastorale (SPI). Ce que représente la foi pour les jeunes, leurs préoccupations – vie sociale, éthique, couple, sexualité, économie – et la manière dont l’Eglise y répond, la transmission de la foi et le délicat dialogue à ce sujet entre les jeunes et leurs parents, la pratique religieuse, sont quelques-uns des thèmes abordés dans l’enquête.
Les réactions ont été plus nombreuses sur l’application «Padlet» mise en place pour l’occasion: « Je trouve que l’Eglise n’a pas d’abord pour vocation de nous donner des réponses à nos problèmes à des questions sociales etc., estime Louise. Le cœur de sa mission est de transmettre l’enseignement de notre Seigneur Jésus et de nous donner la vie par les sacrements ! Bien sûr que cela va impliquer dans un second temps toute notre vie personnelle, sociale etc. » « La plupart des jeunes qui ont reçu une éducation religieuse durant leur enfance n’entretiennent pas forcément une relation profonde avec Dieu une fois adultes. Malheureusement, il y a souvent un manque d’accompagnement de la part des parents ou de la communauté au moment où ils grandissent. Je trouve cela vraiment dommage », déplore Julia.
Une enquête nuancée
Au fur et à mesure des différents chapitres égrenés, illustrés par des infographies, les personnes présentes dans la salle ont pu réagir de vive voix ou en direct, via une application. Réactions à chaud, étonnements tous azimuts ont occupé les temps de parole. La formation et les enseignements et la compréhension de la messe ont notamment fait réagir.
Certains se sont d’emblée posé la question de l’objectivité de l’enquête sachant que le questionnaire avait été principalement diffusé dans le réseau des pastorales jeunesse de Romandie. La sociologue des religions a précisé qu’elle avait, pour éviter ce biais, nuancé en créant des catégories selon l’éloignement des sondés par rapport à la religion et leur degré de croyance.
Formation en continu au-delà du catéchisme

17 groupes se sont formés pour une conversation dans l’Esprit, en présence de Mgr Alain de Raemy | © Bernard Hallet
Isabelle Jonveaux a observé que la messe fait l’objet d’une grande demande d’explication des différentes phases du rite et des gestes du prêtre, notamment chez les pratiquants. « Le manque d’explication entraîne un manque de compréhension », a pointé un participant, « alors pourquoi ne pas améliorer les propositions de catéchèse en ne se concentrant pas seulement sur la préparation aux sacrements mais aussi sur la liturgie de la messe ? » demande un autre. Davis Roy-Camille, jeune catéchiste engagé en Eglise dans le canton de Neuchâtel, estime que le catéchisme ne devrait pas s’arrêter aux sacrements : « Il faut un apprentissage en continu. Ça manque! Les laïcs devraient proposer des formations ».
Compréhension de la messe
Samuel, 20 ans, originaire de Neuchâtel, tout juste baptisé trouve que, durant le catéchuménat, 1h30 de formation une fois par mois n’est pas suffisante. Il lui manque cet «après» que l’Eglise devrait proposer aux jeunes. Il a participé à une journée de catéchisme à la Fraternité St-Pierre. « Ils expliquent bien la messe en latin. Il faut dire qu’ils prennent le temps, c’est moins stress que pendant la formation du catéchuménat. Il s’informe aussi sur la chaîne Youtube «Claves», spécialisée sur la forme extraordinaire du rite. Samuel estime enfin que les prêtres devraient donner plus souvent des enseignements sur la messe, «puisqu’ils sont au cœur de la célébration».
«En tant que servante de messe, constate Julia, je suis encore souvent surprise de voir que certains jeunes servants ne connaissent même pas le sens profond de ce qu’ils font. Ils ignorent la signification des gestes du prêtre, la raison pour laquelle ils sont accomplis, et à quoi ils servent exactement. Beaucoup ne connaissent même pas les différentes étapes de la messe ni leur nom.» Et de suggérer : « Peut-être devrions-nous également remettre en question la qualité et la pertinence des enseignements donnés par les personnes qui accompagnent ces jeunes. Leur rôle est essentiel, et s’ils ne transmettent pas clairement le sens des gestes, des rites et des étapes de la messe, il devient difficile pour les jeunes de s’y engager pleinement et de comprendre ce qu’ils vivent. »
Esther Solari, engagée dans la pastorale des 15-25 ans dans le canton de Vaud, n’est pas surprise par ce regain d’intérêt pour la formation en Eglise en général, et la messe en particulier: «Dans la formation ‘Théophilos’ (une formation libre de théologie à destination des 18 – 35 ans qu’elle a créée il y a trois ans), l’intérêt de ces jeunes va croissant pour la liturgie. En trois ans, une cinquantaine de jeunes, venant de toute la Suisse romande, ont suivi cette formation d’un an. Ils se questionnent et questionnent l’Eglise sur son enseignement», observe-t-elle.
Surprise du sondage
Autre surprise du sondage: le fait que les femmes vont moins à la messe que les hommes alors qu’elles se disent plus croyantes. Le sondage révèle qu’elles sont plus actives en Eglise, notamment dans les chorales et le catéchisme. «Je ne me l’explique pas, commente Luisa, 24 ans, étudiante en pharmacie. Mais je constate en tout cas que les hommes sont beaucoup plus nombreux à la messe en latin où il n’y a quasiment pas de femme.» Une de ses amies n’est en revanche pas surprise pour l’autre versant de l’activité: «Dans toute ma scolarité, collège inclus, je n’ai eu que trois hommes au catéchisme.»
Toutes les deux ne seraient pas dérangées si les fidèles pratiquaient un peu moins, mais faisaient de bonnes actions dans leur vie quotidienne: altruisme, éthique et soucis des plus fragiles sont pour elles aussi importants que d’aller régulièrement à la messe dominicale.
Environnement et prière
Un participant s’étonne que 30% des sondés disant avoir une relation à Dieu ont peu recours à la prière. Pour lui, ce n’est pas cohérent. Une mauvaise surprise pour Faustine, originaire du canton de Fribourg. Cette étudiante en biologie de 21 ans est «très frappée» de voir que l’écologie n’intéresse peu ou pas ceux qui se disent avoir une relation à Dieu et surtout moins que les jeunes éloignés de l’Eglise. «La Création est un grand cadeau ! Il y a beaucoup à faire dans le domaine de l’environnement ! ».
Elle voudrait organiser des ramassages de déchets, «ce n’est pas pour le petit impact que cela aurait, mais ces actions complétées par des séance d’information sur le climat permettraient des échanges avec d’autres jeunes et une sensibilisation plus grande à ce sujet.» «Notre Terre est aussi création de Dieu, ajoute Mélia. Il est dommage et préoccupant que la protection de notre planète ne soit quelque chose qui préoccupe pas plus.»
Autre point marquant: le fait que la tendance de la pratique s’inverse entre la ville et la campagne. Les résultats de l’enquête n’ont pas laissé les participants indifférents. Le repas, qui a suivi la messe, a été très animé.
L’après-midi, l’ensemble des participants ont formés 17 groupes pour une conversation dans l’esprit, deuxième temps fort de cette journée. Il s’agissait, selon les indications de Philippe Becquart, d’une démarche incarnée, pas d’un exercice intellectuel. Les participants devaient se mettre à l’écoute de ce que Dieu voulait ici et maintenant. Chacun ayant deux minutes pour s’exprimer, «sans jugement».

Un représentant de chaque groupe a eu une minute pour présenter le projet qui a émergé des discussions | © Isabelle Vernet
DifférentS projets
Un troisième temps a permis de faire émerger différents projets avant qu’ils ne soient présentés sur la scène. «Il y a eu des propositions concrètes tournées vers les personnes du troisième âge: visites en EMS pour partager un repas, un goûter et échanger, mais pas nécessairement dans le domaine spirituel », détaille Isabelle Jonveaux. Un groupe veut mettre sur pied un projet de visite aux prisonniers.
Plusieurs projets de formation ont été présentés: une formation sur la Parole de Dieu, mais à l’échelle régionale, plus largement que la paroisse. «Ce sera l’occasion d’un rassemblement que demandaient certains jeunes, indépendamment des JMJ ou d’un pèlerinage». Un groupe souhaite lancer une plateforme regroupant tous les projets des jeunes en Suisse romande. Un autre veut mettre sur pied une rencontre de jeunes avant la messe pour une explication de l’Evangile du jour et une préparation à la messe. L’idée d’un Conseil des jeunes refait surface. Evoqué il y a quelques mois, le projet prévoit de faire remonter les attentes des jeunes à l’évêque des jeunes, actuellement Mgr Alain de Raemy.
satisfaits de cette « grande journée »
«Nous sommes satisfaits de cette grande journée, se réjouit Isabelle Jonveaux. Il était important que des prêtres, des agents pastoraux soient eux aussi présents afin que les seuls responsables en pastorale jeunesse ne portent pas seuls ces projets. Et la participation a été importante».
Une grande satisfaction est également exprimée par Miles Fabius, responsable de la Pastorale des Jeunes de Genève (PJGE). « J’ai particulièrement apprécié le partage d’expériences dans une ambiance fraternelle et conviviale. Les Assises ont constitué une excellente occasion de mieux se connaître entre jeunes et personnes engagée en pastorale jeunesse. Les échanges ont permis d’approfondir la compréhension des réalités vécues par les jeunes à travers toute la Suisse romande. ».
Parmi les moments les plus marquants, Miles Fabius évoque les conversations dans l’Esprit, tenues en petits groupes. Il souligne également la beauté de la célébration matinale, présidée par Mgr Mgr de Raemy.
(cath.ch/bh/ red)
Novembre 2025
Crédit image couverture: Bernard Hallet cath.ch
© Centre catholique des médias Cath-Info, 23.11.2025
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