Jean-Bernard Livio sj a rejoint le Père
Nous avons appris la triste nouvelle du décès du père Jean-Bernard Livio sj après une longue maladie, à l’âge de 84 ans. Il a vécu et travaillé pendant longtemps à Genève, où il a fondé, entre autres, l’AOT en 1970, avec le pasteur Erich Fuchs.
En hommage, nous publions le communiqué des Jésuites
Hommage à Jean-Bernard Livio
Triste nouvelle pour la communauté de Suisse romande et les jésuites de la province d’Europe centrale. Le Père Jean-Bernard Livio sj est décédé ce matin du 17 octobre à l’âge de 84 ans. Un livre de condoléances en ligne a été ouvert pour le Père Livio. Nous vous invitons à y laisser vos messages de soutien et vos souvenirs afin d’honorer sa mémoire et son engagement.
Né à Lausanne le 13 novembre 1940, il est entré dans la Compagnie de Jésus le 25 avril 1966 et a été ordonné prêtre à Lyon le 27 juin 1970. Archéologue passionné, il a participé à plusieurs fouilles en Terre sainte (Qumrân, Massada, Jéricho, Beer-Sheva, Jérusalem) et y a exercé comme guide et journaliste.
En 1970, il a fondé à Genève, avec le pasteur Éric Fuchs, l’Atelier œcuménique de théologie (AOT), qu’il a codirigé jusqu’en 1982. Il a également contribué à la création de Radio-Cité et de plusieurs initiatives dans les domaines de la catéchèse, de la vie conjugale et familiale.
À partir de 2005, il s’est consacré à la transmission de la Bible, notamment à travers ses « Vendredis bibliques » à Notre-Dame de la Route et à Lausanne, qui ont touché un large public pendant près de cinquante ans. Très engagé aussi dans l’Association des Amis des Enfants de Bethléem, il s’y est investi jusqu’à la fin de sa vie.
Affaibli par la maladie, il s’était retiré en 2024 au centre de soins palliatifs des Sœurs d’Ingenbohl à Fribourg, où il est décédé paisiblement . Les funérailles auront lieu le mercredi 22 octobre 2025, à 14h30, dans l’église Saints-Pierre-et-Paul de Villars-sur-Glâne, Fribourg.
Une foi incarnée, une parole vivante
Le Père Jean-Bernard Livio, jésuite, archéologue, théologien, pédagogue, n’a jamais cessé de chercher. Non pas la vérité comme une chose à posséder, mais comme une Parole à entendre, à vivre, à incarner. Sa vie a été traversée par cette tension féconde entre le sol et le ciel, entre la Bible et les visages, entre le doute et la foi. Une foi qui n’éteint pas les questions, mais les nourrit.
«Trouver Dieu en toutes choses» disait Ignace de Loyola. C’est le fil rouge de sa spiritualité, et Jean-Bernard Livio l’a suivi jusque dans les fouilles archéologiques en Terre Sainte, où il cherchait moins les trompettes de Jéricho que les traces d’un Dieu toujours vivant. «On ne fait pas de musique avec un shofar (mot hébreu que l’on a à tort traduit par trompette), mais on souffle dans une «corne de bélier»pour annoncer que le Shabbat commence. Sa lecture de la Bible est de cette trempe: concrète, ancrée, nourrie par la terre, les langues anciennes, les réalités sociales. Pas une lecture désincarnée, mais une parole en marche, qui nous fait monter vers Jérusalem, qui fait suer et questionne.
Son parcours, commencé dans une famille où la foi s’égrenait entre le chapelet du père et les cantiques de la mère organiste, s’est très vite confronté aux contradictions du monde. À 18 ans, il débarque en Israël, naïf. Il découvre alors l’injustice jusque dans les fouilles: les directeurs israéliens et chrétiens pro-israéliens d’un côté, les ouvriers palestiniens de l’autre. De ces paradoxes naît une conscience politique, et surtout une profonde compassion.
Archéologue passionné, Jean-Bernard Livio a participé à plusieurs fouilles en Terre sainte (Qumrân, Massada, Jéricho, Beer-Sheva, Jérusalem) et y a exercé comme guide et journaliste
«Ce qui me noue les tripes, c’est de voir ceux qui vivent la Bible dans leur sang, dans leur corps.»
Mais c’est aussi une quête de sens. Comme Marie, il méditait tout cela dans son cœur. Il ne cherchait pas à posséder des réponses, mais à partager des bouts de réponses. Et ces bouts de vérité sont souvent les plus simples: «Un sourire d’enfant, c’est déjà une réponse. Surtout celui d’un enfant qui n’a aucune raison de sourire. » C’est pourquoi il a crée l’association Les Amis des Enfants de Bethléem, pour introduire de nouvelles techniques pédagogiques dans des écoles palestiniennes. Pas pour faire de l’humanitaire abstrait, mais pour que des enfants retrouvent le goût de vivre.
«Quelle joie quand les parents voient leurs enfants revenir à la maison avec le sourire»
Homme de parole plus que d’écriture, il s’est souvent auto-censuré. Non par peur de dire des bêtises, mais parce qu’écrire fige, tandis que parler engage. «J’ai besoin de voir le visage des gens auxquels je m’adresse, de sentir quand je dis des conneries.» Son rapport aux mots est profondément oral, incarné. Comme Jésus, il préfère la parole vivante à l’écriture. Et dans ce monde où tout se veut immédiatement intelligible et formaté, il garde une place essentielle au doute.
«Bienheureux ceux qui doutent. C’est le doute qui nous pousse à chercher.»
Son amour pour les langues anciennes – latin, grec, hébreu, copte, syriaque – n’a jamais été pure érudition. C’est pour mieux entendre les nuances de la Parole, pour mieux comprendre les autres. «Si je l’empêche de dire l’essentiel parce qu’il le dit avec d’autres mots que moi, je deviens vite un assassin.»
La Terre Sainte qu’il a arpenté durant des décennies n’était pas pour lui un musée sacré, mais un lieu bouleversant de tensions, de violences, et pourtant toujours habité. «À Jérusalem, on ne peut pas faire dix mètres sans une agression religieuse.» Mais c’est aussi le lieu de l’inattendu, de la foi incarnée:
«Il n’est pas ici, dit l’ange dans le tombeau du matin de Pâques. Pourquoi alors appeler ce bâtiment le Saint-Sépulcre? Pour les Églises d’Orient, il est l’Église de la Résurrection.»
À la fin de sa vie, quand on lui demandait ce qu’il retiendrait de ses 85 ans passé sur terre, il répondait: la gratitude. Pour ses parents, pour ses confrères avec lesquels il se risque de porter le nom de «compagnon de Jésus », pour la vie, pour ces enfants qui sourient, pour ce Dieu qui frappe à la porte. Et de citer le Dieu de l’Apocalypse:
«Celui qui m’ouvrira, j’entrerai chez lui, et on fera la fête.»
«Tu te rends compte: on ne peut pas manquer une pareille fête ?!»
Céline Fossati, 17 octobre 2025
À la mémoire du Père Livio sj
Vous pouvez partager vos condoléances et vos souvenirs dans notre livre de condoléances numérique dédié au Père Livio sj. Cliquez ici pour accéder au livre de condoléances numérique
Lien vers l’article en ligne sur la page des Jésuite Europe Centrale
Crédit images: site Jésuites Europe centrale