Comment la catéchèse peut-elle contribuer à la sauvegarde de la création ? Collaboratrice pastorale de l’ECR, Laurence Faulkner-Sciboz accompagne des enfants entre 4 et 15 ans sur leur chemin de foi pour les paroisses de l’Unité pastorale (UP) Carouge-Acacias-Salève. Au terme de sa formation auprès du Centre Catholique Romand de Formations en Eglise (CCRF) en 2024, elle a choisi le thème « Crise climatique et catéchèse » pour son travail de diplôme (Certificat en pratique pastorale). « La crise climatique s’est imposé comme une évidence ! », affirme-t-elle. Elle souhaite dès lors proposer une catéchèse incluant des activités pour aider les enfants à « s’émerveiller de leur environnement ».
J’essaie de donner un visage accueillant de l’Eglise, quelles que soient les situations.
En 1988, dans Christifideles Laici, Jean-Paul II affirmait que par la dignité du baptême les fidèles laïcs participent à triple fonction de Jésus-Christ : sacerdotale, prophétique et royale. En tant que catéchiste, c’est la fonction de « prophète » qui me semble prendre tout son sens. Ma mission prophétique, je l’accompli par l’évangélisation, c’est-à-dire l’annonce du Christ faite non seulement par la parole mais également par le témoignage : le non-jugement, la non-culpabilisation, la compréhension pour les situations particulières, le sourire.
Par ailleurs, la force des catéchistes laïques réside dans la connaissance (je dirais même l’expérience) des situations actuelles des familles et leur permet d’être dans l’accompagnement de chaque enfant ou adolescent.e sur son chemin de foi, de le rejoindre où il en est dans son désir de connaître Dieu.
Comme beaucoup, je suis atterrée par l’inaction politique pour lutter contre le dérèglement climatique. J’ai quatre enfants. Quel héritage leur léguerons-nous ? Quand je me suis mise à penser au thème de mon travail final, c’était en octobre 2023 et je venais de lire l’exhortation du pape François, Laudate Deum (2023) sur la crise climatique. Le ton y est plus urgent que dans Laudate Si’ publié en 2015.
Ce qui frappe dans Laudate Deum c’est l’absence totale de jargon ecclésial. Le vocabulaire employé est précis, incisif et compréhensible par tous. Le pape s’attaque sévèrement aux opinions moqueuses qui se font entendre au sein de l’Eglise envers la communauté scientifique. Quand François écrit concernant l’inaction face au dérèglement climatique : « la question du sens se pose : quel est le sens de ma vie, quel est le sens de mon passage sur cette terre, quel est le sens en définitive de mon travail et de mes efforts ? » Cela me fait l’effet d’une gifle !
Je me suis souvenue alors de l’article 899 du CEC (Catéchisme de l’Eglise catholique) qui explique que « L’initiative des chrétiens laïcs est particulièrement nécessaire lorsqu’il s’agit de découvrir, d’inventer des moyens pour imprégner des réalités sociales, politiques, économiques, les exigences de la doctrine et de la vie chrétiennes. » Si elle avait pu anticiper le dérèglement climatique, la commission formée par Jean-Paul II pour rédiger le CEC n’aurait-elle pas rajouté aux réalités sociales, politiques, économiques, les réalités écologiques ? Pour donner du sens à mon travail, à mes efforts, le thème de la crise climatique s’est imposé comme une évidence !
La dimension prophétique de mon sacerdoce baptismal comporte effectivement son lot de défis. Afin de répondre aux attentes de l’Eglise, je suis convaincue que j’ai le devoir d’adresser la gravité de la crise climatique en catéchèse. Ma mission est aussi de faire connaître aux enfants les dangers qui guettent la Création et l’humanité si nous persistons à ne pas vouloir écouter les scientifiques qui tirent la sonnette d’alarme depuis une cinquantaine d’années. Cette tâche est difficile. En effet, la situation est anxiogène et risque d’exacerber l’inquiétude fondamentale à laquelle les enfants sont confrontés.
En tant que catéchiste, j’aimerais que les enfants puissent découvrir avant tout l’amour que Dieu a pour eux. Qu’ils puissent en Le rencontrant développer une force et une confiance intérieures qui les ancrent pour la vie. Alors que je dois leur demander de réagir pour éviter la catastrophe annoncée. Cependant, les prophètes n’ont jamais eu le beau rôle. N’ont-ils pas toujours émergé dans l’histoire du peuple juif pour ouvrir ses yeux sur une catastrophe imminente ?
Dans Laudate Deum le pape déplore : « (…) la pensée judéo-chrétienne a démystifié la nature ». Comment transmettre aux enfants que Dieu est le créateur de toute chose ? Cela passera peut-être en catéchèse par poser un regard neuf sur la Terre. Il y a urgence à faire sortir les enfants du paradigme technocratique dont parle François dans Laudate Si’ car bien que sans en être responsables, les enfants baignent depuis leur naissance dans un contexte de surconsommation. Les générations qui les ont précédés ont considéré la planète comme une source exploitable infiniment et à leur disposition. Sans doute guidés par une mauvaise interprétation du premier chapitre de la Genèse.
Pour ne pas exacerber l’inquiétude fondamentale que cette thématique ne manquera pas de provoquer, mais opérer tout de même un clair changement de paradigme, en catéchèse nous pourrions apprendre aux enfants à s’émerveiller de leur environnement. Avancer que l’incroyable complexité de la vie révélée par les avancées scientifiques ne peut émerger du hasard. Faire prendre conscience aux enfants du merveilleux mais fragile équilibre des écosystèmes. Cet émerveillement deviendrait le moyen par lequel faire avec eux une relecture du récit de la Création. En y comprenant plutôt qu’une injonction de domination et uniquement un réservoir de ressources, une requête de Dieu faites aux hommes d’en être responsables et d’en prendre soin ! Une rencontre de catéchèse en plein air mettrait en œuvre une catéchèse intégrale qui implique les enfants dans leur totalité, « (…) pas seulement l’esprit, mais aussi le corps et surtout le cœur. » (ODC, orientation 7).
Aujourd’hui, la catéchèse privilégie une approche qui parle à tous les sens plutôt qu’au seul intellect. Je pratique mon apostolat sur deux secteurs géographiques distincts représentant la fusion de deux anciennes UP, Carouge/Acacias d’une part, et Salève (paroisses de Veyrier, Troinex et Compesières) d’autre part. Ces deux anciennes UP sont désormais deux secteurs de la même UP. Elles ont conservé leur format de catéchèse historique. Certains aspects de mon travail sont communs aux deux secteurs, tel que celui d’appeler, de discerner, de former puis d’accompagner sur la durée des bénévoles. Ce travail est toutefois plus important sur le secteur Carouge/Acacias car ici la catéchèse est entièrement portée par des bénévoles lors de rencontres bimensuelles. Il est moins présent pour les paroisses de Veyrier, Troinex et Compesières, puisque dans ce secteur nous proposons un système de catéchèse familiale qui s’appuie presque entièrement sur la participation des parents.
C’est une démarche inclusive où se rejoignent plusieurs générations. Elle se décline en six temps forts annuels, avec plusieurs étapes, dont je conçois le contenu. Je confie l’animation de certaines de ces étapes à des animateurs, après les avoir formés.
Dans un premier temps, j’accueille la vingtaine d’animateurs de l’après-midi : trois bénévoles et deux jeunes « confirmées » qui sont présents à chaque rencontre, des parents (parrains, grands-parents) ainsi que deux adolescent.e.s en parcours de confirmation différents à chaque fois.
Les ateliers sont animés par plusieurs personnes et les animateurs se répartissent les rôles au sein du même atelier.
Une demi-heure plus tard, environ 80 enfants de 4 à 12 ans arrivent (une centaine d’enfants sont inscrits à la catéchèse familiale, mais il y a toujours une portion d’absents). Après un accueil général, la vingtaine de « petits » du groupe de l’Eveil à la foi part avec ses animateurs habituels : les deux jeunes confirmées, les confirmands « tournus » et une maman-animatrice pour leur atelier de catéchèse.
Après le départ des petits, avec une catéchiste bénévole, nous utilisons une technique d’animation pour faire la narration d’un récit biblique devant les plus grands et les parents-animateurs restants. À l’issue de la narration, répartis par groupes d’âge, les enfants rejoignent différents lieux (salles paroissiales, cure et temple protestant) en compagnie des parents-animateurs pour un atelier. La thématique du jour est développée par le biais du texte biblique découvert lors de l’accueil.
Les ateliers sont suivis d’un goûter et d’une pause. Ensuite, tous les groupes, les animateurs ainsi que les parents non animateurs se retrouvent dans la grande salle paroissiale pour l’étape du « Temps en famille ». Ce rassemblement réunit plus d’une centaine de personnes : la fratrie et les parents s’assoient avec d’autres familles autour d’une même table, pour un moment communautaire créatif ou ludique. Cette étape que j’anime moi-même dure une trentaine minutes. Elle débute par l’analyse d’une œuvre d’art illustrant la thématique du jour, que je projette sur grand écran à l’attention des adultes.
La dernière étape est la messe dominicale de la communauté. Lors des rencontres de catéchèse familiale, le prêtre adapte la liturgie pour une assemblée avec enfants. Nous confions plusieurs rôles actifs aux enfants et aux parents durant cette messe : chorale d’enfants ad hoc, lecture de la Parole à plusieurs voix, mime de l’Evangile, procession avec des offrandes qui rejoignent la thématique de l’après-midi ou encore démarches particulières. Ce sont les parents animateurs qui préparent les enfants à leurs rôles durant la messe pendant les ateliers de l’après-midi.
Ces temps forts offrent de beaux moments communautaires de joie et de communion qui nourrissent ma foi !
SD&C – septembre 2024
Crédit image en « Une »: Godong – Eglise Sainte Madeleine. Verrière, vers 1500. La Genèse – Détail : Dieu créant le ciel et la terre..