Alors que l’Église s’apprête à élire un nouveau pape à travers le conclave de mai 2025, Genève, ville de dialogue et de foi, se souvient avec émotion des visites papales qui ont marqué son histoire.
De Martin V en 1418 à François en 2018, la cité du bout du lac a été plusieurs fois témoin de moments forts entre l’Église catholique et le monde.
En attendant de découvrir le nouveau successeur de Pierre, retour sur ces visites qui font de Genève une terre d’accueil, de prière… et d’espérance pour une future rencontre.
Avec quatre visites depuis 1969, Genève est une des villes qui a reçu le plus souvent un pape. Après Paul VI et Jean Paul II à deux reprises, c’est le Pape François qui avait rendu visite à la cité du bout du lac le 21 juin 2018.
Avant les papes du XXe et XXIè siècle, on peut rappeler le passage à Genève, en 1418 de Martin V, élu l’année précédente par le concile de Constance. Sa désignation mit fin au Grand Schisme d’Occident et signifia le retour de la papauté d’Avignon à Rome.
Le 10 juin 1969, Paul VI répond à une invitation du Conseil œcuménique des Eglises et se rend à Genève. C’est le troisième grand voyage du pape Montini, après Jérusalem, New York et Bogota. Au siège du Bureau international du Travail, à l’occasion des 50 ans de cette institution, le pape lance un plaidoyer pour une plus grande justice sociale. Il évoque «le cri incessant de l’humanité souffrante». Paul VI rencontre également Haïlé Sélassié, l’empereur d’Ethiopie.
Le deuxième temps fort est sa visite au Conseil œcuménique des Eglise. «Cette démarche historique, qui suit sa rencontre avec le patriarche Athénagoras, est une expression concrète du désir de l’Eglise de répondre humblement au vœu du Sauveur de réunir toutes ses brebis dans l’unique bercail de la vie et du salut», commente le quotidien valaisan Le Nouvelliste.
Après ces visites et un cortège en ville, le pape Paul VI gagne le parc La Grange en bateau pour y célébrer la messe devant près de 70’000 personnes. Prenant exemple sur saint Nicolas de Flüe, le patron de la Suisse, Paul VI parle de la paix. Il évoque le risque de conflit nucléaire.
Au cours de son long pontificat de près de 27 ans, le pape Jean Paul II est passé deux fois à Genève, une fois pour une visite aux organisations internationales en 1982 et une seconde fois lors de sa visite pastorale en Suisse en 1984.
Le 15 juin 1982, lors de l’arrivée de Jean Paul II à Genève, tout le monde a en tête l’attentat dont il a été victime un an plus tôt place Saint-Pierre. «Quand il est arrivé mardi matin à l’aéroport de Genève Cointrin, les traits fatigués et un peu tendus, il paraissait préoccupé et même un peu triste, comme un ouvrier sur le chemin de son usine», note le commentateur de l’Apic.
Au Bureau international du travail (BIT) le pape «fait taire toutes les théories actuelles pessimistes de lutte des classes au nom d’une vision chrétienne du travail […] qui accorde dans l’ordre social, une place primordiale à la vie humaine et à la liberté. A près de cinquante reprises, il utilise le mot solidarité». La référence au syndicat libre polonais Solidarnosc sonne comme une évidence.
Au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Jean Paul II évoque la figure du Christ pour dénoncer la torture, «cette plaie vive de l’humanité». Au CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire), le pape plaide pour instaurer des relations nouvelles entre la science et la religion. Il met en garde contre une science qui pourrait se retourner contre l’homme, en particulier la bombe atomique. Avant son départ, comme le fera le pape François, Jean Paul II célèbre la messe à Palexpo. La commentatrice de la télévision est étonnée de la grande ferveur des fidèles.
Prévue initialement en 1981 et repoussée à cause de l’attentat, la première visite pastorale de Jean Paul II en Suisse a lieu du 12 au 17 juin 1984. C’est une visite marathon, comme à son habitude, avec après son arrivée à Zurich-Kloten des étapes à Lugano, Genève, Fribourg, Berne, au Flueli-Ranft, à Einsiedeln, Lucerne, et Sion, où il ordonne neuf prêtres. Durant les six jours de sa visite, Jean Paul II parcourt neuf villes et prononce 34 discours.
Jean Paul II arrive à Genève le 12 juin vers 17h au siège du Conseil œcuménique des Eglises (COE), où l’accueille son secrétaire général, le pasteur Philip Potter. Une prière et une célébration commune rassemblent autour du pape les personnalités et le personnel du COE. Le pape confirme que «l’engagement de l’Eglise catholique dans le mouvement œcuménique est irréversible et que la recherche de l’unité est une de ses priorités pastorales». Jean Paul II se rend ensuite rendu au Centre orthodoxe de Chambésy pour un échange avec le métropolite Damaskinos. Le 14 juin, une seconde réunion œcuménique, au niveau national cette fois, a lieu à Kehrsatz, près de Berne. Jean Paul II y rencontre les représentants des autres Eglises chrétiennes de Suisse.
Globalement lors de cette visite en Suisse, l’ambiance n’est pas au beau fixe, un certain nombre de catholiques n’apprécient pas le pape polonais qu’ils jugent autoritaire et réactionnaire. La ferveur populaire est bien là, mais l’enthousiasme n’est pas à l’apogée. Plusieurs rencontres ne font pas le plein. «La moitié des Suisses et la moitié des catholiques aura été indifférente», note le chroniqueur de l’Apic.
Près de 20 ans plus tard, le 5 juin 2004 pour son 103e et avant-dernier voyage à l’étranger, c’est un Jean Paul II très différent qui débarque à la Bern-Arena pour y rencontrer les jeunes. Homme de douleurs, tassé dans son fauteuil, il peine à s’exprimer, mais son rayonnement intense attire la foule. «La rencontre du pape avec les jeunes fait un tabac», titre l’Apic.» (cath.ch/mp)
Le 21 juin 2018, le pape François s’est rendu à Genève pour une visite d’une journée, marquant son 23ᵉ voyage apostolique. Ce déplacement, 600 ans après celui du Pape Martin V à Genève, avait pour objectif principal de célébrer le 70ᵉ anniversaire du Conseil œcuménique des Églises (COE), une organisation qui rassemble environ 350 Églises protestantes, orthodoxes et anglicanes, représentant plus de 550 millions de chrétiens dans plus de 120 pays
Accueilli à l’aéroport de Genève par le président de la Confédération helvétique, Alain Berset, le pape François a entamé sa visite par une rencontre avec les autorités suisses. Il s’est ensuite rendu au siège du COE, où il a prononcé deux discours axés sur l’unité des chrétiens, appelant à « cheminer, prier et collaborer » ensemble. Le pape a souligné l’importance de dépasser les divisions historiques et de promouvoir un œcuménisme actif, fondé sur le pardon et la solidarité. À midi, le pape François s’est rendu à l’Institut œcuménique de Bossey, situé près de Nyon. Il y a partagé un déjeuner avec des responsables du COE et rencontré des étudiants de cet institut, considéré comme un « laboratoire de la vie œcuménique »
En fin d’après-midi, le pape a célébré une messe au Palexpo de Genève, rassemblant environ 40 000 fidèles venus de Suisse romande, d’Italie et de France. Dans son homélie, il a mis l’accent sur le pardon entre chrétiens, affirmant que « nous pardonner entre nous après des siècles de controverses et de déchirures » est essentiel pour avancer vers l’unité. Après la messe, le pape François a rencontré les membres de la Conférence épiscopale suisse et les représentants du Saint-Siège auprès des Nations Unies à Genève. Il a ensuite quitté Genève pour retourner à Rome dans la soirée. Cette visite a été saluée comme un moment fort du dialogue œcuménique, renforçant les liens entre l’Église catholique et les autres confessions chrétiennes.
En ces jours de discernement pour l’Église, Genève garde vivante la mémoire de ces visites pontificales et reste prête à accueillir, avec foi et espérance, celui que l’Esprit Saint désignera.
Une première version de cet article est parue sur cath.ch en 2018.
SD&C- ECR, mai 2025