Certains observateurs s’attendaient à l’élection d’un François II, simple prolongation de Jorge Bergoglio, mais c’est Robert Prévost, un cardinal américain, qui apparait au balcon de St Pierre et qui dans un souci explicite de renouvellement choisit le nom de Léon XIV. écrit l’abbé Alain René Arbez. Il présente dans cet article le profil diversifié des 13 papes Léon qui ont précédé Léon XIV.
Léon, c’est Leo, le lion. Une référence biblique majeure, donc un enracinement dans l’histoire sainte. Le lion de Juda est la figure de la résistance hébraïque face aux menaces multiples opposées à Israël messager de la révélation. C’est ainsi que le peuple juif tire son nom de la tribu de Juda appelée par Dieu à faire de la Judée une terre de sainteté. Le lion de Juda figure sur les armoiries de la ville sainte de Jérusalem.
Jésus, né à Bethlehem de Judée, pays des Juifs, renforce le message de l’alliance par les Béatitudes. Cet événement de révélation est exprimé dans le livre visionnaire de l’Apocalypse selon St Jean…« Un des anciens dit : ne pleure pas, voici le lion de la tribu de Juda, la racine du roi David, il a été victorieux dans l’ouverture du livre et des sept sceaux ».
Ainsi, le choix du nom « Léon » par le pape élu Robert Francis Prévost garde une tonalité messianique et n’est pas dû au hasard. Des références à la bible et à l’histoire de la papauté en sont la base.
Il vaut la peine d’examiner le profil diversifié des 13 papes Léon qui ont précédé Léon XIV.
Léon 1er, appelé Léon Le Grand (440-461). Après les périodes de persécution, l’empereur Constantin a donné un statut à l’Eglise et au christianisme dès le 4ème s. C’est dans ce nouvel élan que s’inscrit le ministère de Léon le Grand, qui voit sa mission comme un service de l’unité. Il fait face aux dissidences hérétiques en esquissant le profil théologique de la foi. Sa renommée vient aussi du fait qu’il est allé au- devant d’Attila menaçant Rome et qu’il a réussi à le dissuader de massacrer et de piller la population.
Léon II, (682-683) Sicilien d’origine grecque, poursuit en tant qu’évêque de Rome le travail de clarification de son prédécesseur dans la mise en lumière des convictions orthodoxes unissant les croyants.
Léon III, (795-816) envoie à l’empereur Charlemagne les clés du tombeau de St Pierre et reconnaît en lui le Patrice des Romains. Le jour de Noël, le pape le couronne devant le peuple rassemblé dans la cathédrale, c’est donc en l’an 800 la naissance du Saint Empire romain germanique. Léon III n’hésite pas à aller plus tard visiter Charlemagne à Aix la Chapelle. A Rome le pape réalise la restauration de nombreuses églises.
Léon IV, (847-855) est un moine bénédictin romain. Alors que la ville est encore sous le choc d’invasions sarrasines, le pape renforce les fortifications. La colline vaticane porte désormais le nom de cité léonine. Il fait face aux déprédations commises dans les églises par les musulmans et entreprend de restaurer avec soin les sanctuaires profanés. S’appuyant sur l’érudition de l’évêque Isidore de Séville, le pape consolide l’idée de la supériorité du spirituel sur le temporel.
Léon V (903) est fait prisonnier par l’entremise d’un prêtre jaloux aussitôt après son élection. Son pontificat est très court puisqu’il est assassiné par l’antipape Christophe.
Léon VI (928-929) en raison des intrigues de Marozia, une matrone romaine avide de pouvoir, cette période troublée sur le plan moral lui réserve le même sort que son prédécesseur. Il est assassiné six mois après son élection.
Léon VII (936-939) le comte Albéric a mis fin au règne des courtisanes romaines. C’est lui qui favorise l’élection de ce pape tout en cherchant à garder une emprise forte sur les pontifes successifs. Le père abbé Odon de Cluny, est de passage à Rome et rencontre le pape. Le dignitaire monastique est à la tête de la puissante abbaye bénédictine située en Bourgogne. Le pape accueille sa réforme du monachisme.
Léon VIII (963-965) Une destinée particulière : il est laïc au moment où il est choisi comme pape sous l’influence de l’empereur germanique Otton 1er pour contrer le pouvoir du pontife régnant Jean XII, personnage corrompu. Il est poursuivi par ce dernier et doit son salut à l’exil en Allemagne à la cour d’Otton II. Durant cette période, les Romains élisent Benoît V à sa place.
Léon IX (1049-1054) Léon IX est un évêque de Rome motivé par les réformes qu’il juge indispensables. Il instaure le collège des cardinaux et lutte contre les abus et les multiples formes de corruption. Il met en place une équipe de proches conseillers et de délégués pontificaux. Il part lui-même à la rencontre des communautés locales et parcourt toute l’Europe. Mais il se heurte à l’agressivité du patriarche de Constantinople Michel Kerularios, c’est le début du schisme Orient –Occident qui survient en 1054 alors que le pape avait restauré la dignité dans l’Eglise romaine.
Léon X (1513-1521) Giovanni de Médicis succède à Jules II, pape de la Renaissance, mécène et libertin. Il est le fils de Laurent le Magnifique et bénéficie de privilèges considérables. Cardinal à 13 ans, il n’est devenu prêtre que lors de son élection au trône de St Pierre. Son cortège triomphal n’avait rien d’évangélique, puisque les décorations outrancières évoquaient Mars, Venus, Athénée, illustrant sa posture de chef de la maison Médicis. Il échappe de justesse à un empoisonnement. C’est Léon X qui prend la décision de vendre les indulgences dans toute l’Europe, cause de scandale chez les esprits religieux. Le moine augustinien (comme Léon XIV !) Martin Luther déclenche une réaction de revendications spirituelles alors que le pape s’adonne aux chasses à courre. La querelle s’envenime et Léon X excommunie Luther. Le pape mondain n’a pas conscience des retombées tragiques de la situation. Léon X mettra le Vatican en faillite en raison des dépenses insensées de sa cour fourmillant de comédiens, de musiciens, de poètes, d’artistes, de bouffons. Au moment où le sultan d’Istamboul assiége Belgrade, le pape assiste à un ballet théâtral sur le thème de Vénus et l’Amour.
Léon XI (1605) C’est encore un Médicis, Alessandro Medicis qui est élu au milieu d’intrigues d’influences entre la France, l’Espagne et l’Autriche. Il ne règne que 10 jours, emporté par un refroidissement lors de son intronisation au Latran.
Léon XII (1823-1829) C’est un conservateur en mauvaise santé qui est élu. Il prend des décisions contraignantes et interdit les festivités, impose des processions, restreint la diffusion de la bible et crée un ghetto pour les Juifs. La piété et les exercices spirituels rigoureux ne l’empêchent pas de réformer la curie et l’organisation des ordres religieux. Il promeut des fonds de bienfaisance et encourage les missions d’Orient.
Léon XIII (1878-1903) Le cardinal Vincenzo Pecci est un homme cultivé, philosophe, théologien et juriste. Les relations avec le gouvernement italien sont tendues et le climat anticlérical de Rome les complique. Léon XIII se donne pour but de réconcilier l’Eglise avec la culture de son temps. Pour la formation des prêtres, il favorise St Thomas d’Aquin, relance les études bibliques et promeut une philosophie chrétienne. En 1891, il publie Rerum Novarum, encyclique qui fait de lui le « pape des travailleurs ». Il encourage les sciences et crée le premier observatoire au Vatican. Il est à l’origine d’une commission biblique pour stimuler l’exégèse des textes vétéro et néo-testamentaires.
Léon XIII est le pape qui aborde les problèmes sociaux à une époque de développement industriel avec ses chances de progrès et ses abus. On le situe comme anticipateur du catholicisme social qui s’engagera sur le terrain des questions de société et des conditions de vie des travailleurs.
Abbé Alain René Arbez, mai 2025
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